Silver Economie : une multitude de marchés bornés

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D’après une récente étude de la Fondation Médéric Alzheimer, 63 % des 50/79 ans déclarent ne pas être du tout préoccupés par ce qu’ils deviendront après 80 ans. Ils sont même 42 % à souhaiter ne pas entendre parler du risque d’être un jour dépendants.

Ces chiffres confirment les résultats d’autres études qui indiquent que les Seniors sont souvent dans le déni concernant le risque de dépendance. Nous pouvons aussi relier ces résultats à une culture de prévention concernant la dépendance encore très faible en France.

De leur côté, les mutuelles et les assurances, pour une grande majorité d’entre elles, axent leurs développements et leurs actions de prévention vers les salariés, avec les complémentaires santé qui sont devenues obligatoires pour les actifs. Plus rares sont les actions de prévention en direction des jeunes retraités, les baby-boomers. Des initiatives existent, bien sûr, mais sont généralement initiées par les services sociaux de ces mutuelles et de ces groupes de prévoyance.

Une faible culture de prévention

Les assureurs n’ont pas forcément vraiment un intérêt immédiat à investir dans la prévention de la dépendance chez les jeunes Seniors, car les retours sur investissements ne sont pas suffisants et surtout profitent à d’autres entités comme la sécurité sociale. Autrement dit, celui qui investit dans la prévention à destination des retraités, n’est pas forcément celui qui en récolte les bénéfices financiers.

Ces deux phénomènes, le déni des seniors et le faible nombre d’actions auprès des jeunes seniors en termes de prévention de la dépendance, pourraient fortement impacter les budgets liés aux grand-âge dans les 10 à 15 prochaines années.

Ces deux constats signifient également que les marchés de la Silver économie existent, mais sont réduits.

La Silver économie est le nom d’une filière industrielle lancée en France en 2013. Elle concerne l’ensemble des produits et services destinés aux personnes âgées. Plus officiellement, il s’agit de tous les produits et services qui devraient permettre d’améliorer l’espérance de vie sans incapacité ou d’aider au quotidien les personnes âgées dépendantes et leurs aidants naturels.

Ainsi, la Silver économie regroupe des secteurs tels que la télé-assistance, les services à la personne, l’aménagement de l’habitat, les techniques de maintien à domicile, l’alimentation etc.

Difficultés pour les innovations basées sur la prévention

Beaucoup d’innovations de la Silver économie, sont basées sur la prévention notamment à destination des 4,5 millions de personnes âgées fragilisées pour éviter qu’elles ne basculent dans la dépendance.

Or, les Seniors, dans leur grande majorité, sont dans le déni de la dépendance. Ainsi, ils ne sont pas prêts à acheter des produits, en amont, pour prévenir les éventuels risques futurs de chute ou de dépendance.

L’aménagement des salles de bains est un bon exemple : les créateurs de la baignoire à porte imaginaient installer leur invention de manière préventive pour éviter les chutes. Dans la réalité, l’installation de ce type d’équipement, mais aussi l’aménagement des douches, se fait après la survenance d’une chute ou une grande peur liée à une chute. La différence est de taille : dans le premier cas, il aurait été possible d’imaginer l’installation de centaines de milliers d’équipements par an contre quelques milliers dans la réalité.

Alors, certains essaient d’améliorer le design de leurs produits. Généralement, les clients supplémentaires sont des personnes du même âge que celles déjà utilisatrices et qui ne voulaient pas s’équiper en raison du caractère trop stigmatisant de ce type de produits. Plusieurs analyses indiquent qu’il est possible d’augmenter le chiffre d’affaires d’environ 10 à 15% avec cette stratégie. Par contre, cette stratégie n’est suffisante pour cibler des Seniors plus jeunes car, d’une part la raison d’achat reste la chute et, d’autre part la grande majorité des Seniors plus jeunes ne se projettent pas dans la dépendance, et donc, n’adoptent pas encore ces services.

Nécessité d’ouvrir son marché aux besoins des générations plus jeunes

Ces marchés – que j’appelle souvent générationnels/générationnels – sont des marchés qui sont limités en volume pour deux raisons : le déni des jeunes Seniors et le refus des personnes plus âgées qui jugent ce genre d’équipements trop stigmatisants.

Par contre, il existe des outils, qui utilisés en priorité par les personnes âgées, intéressent aussi les jeunes générations : c’est le cas des ustensiles de cuisine de la marque Oxo qui, à l’origine, étaient développés pour les personnes atteintes d’arthrite. En commercialisant ce type de produits uniquement à des Seniors, les ventes auraient été réduites. Mais, Sam Farber, le fondateur d’Oxo a réussi à élargir son marché potentiel : un design moderne et agréable a été initié par l’agence Smart Design et ainsi, les jeunes générations utilisent également les accessoires Oxo.

Pourquoi cette stratégie fonctionne-t-elle moins dans des secteurs tels que la télé-assistance, l’aménagement de l’habitat, etc. La raison, à mon sens, est la suivante : chacun d’entre nous utilise des ustensiles de cuisine. Par contre, les services de télé-assistance ou les outils d’aménagement du logement pour des personnes dépendantes, ne concernent que les personnes âgées. Les jeunes (hormis les personnes handicapées) ne sont pas concernés. Autant une personne âgée peut être fière de montrer son ouvre-boite moderne et facile lors d’un repas de famille, plus rares sont celles qui feront découvrir aussi courageusement leur monte-escaliers à leurs enfants et petits-enfants.

Les innovations stigmatisantes, sur des marchés réduits

Le refus d’être Seniors, le déni des risques de la dépendance, le (encore) faible engouement des financeurs pour développer des actions de prévention chez les jeunes seniors, font que les innovations trop stigmatisantes se heurtent à des marchés réduits.

Les secteurs de la silver économie version « grand âge » sont d’autant plus réduits à court terme, que le nombre de personnes de 78 ans et plus, sera quasi stable en France d’ici à 2022. Ce n’est seulement cette date, que le nombre de personnes de plus de 80 ans va augmenter plus fortement. Les prévisions parlent déjà de 2 millions de personnes dépendantes à l’horizon de 2040. Mais, pour le moment, le nombre de personnes âgées dépendantes est estimé à 1,2 million, or c’est le même chiffre qui est déjà cité au milieu des années 2000.

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Pilulier Pilbox de la société Stiplastics

La Silver économie : une multitude de différents marchés

Un marché limité, ne signifie pas nécessairement une absence de possibilité de développement. Bien au contraire, la Silver économie est une multitude de différentes opportunités dans une multitude d’environnements, ce qui permet aux TPE et aux PME de réaliser des success-stories. C’est aussi la possibilité pour des grands groupes, d’augmenter les marchés potentiels de leurs produits à destination de tous, en les adaptant (ou en adaptant la communication) pour cibler également une clientèle plus âgée et ainsi bénéficier de relais de croissance.

De nombreux succès sont connus sur le marché des Seniors : Handicare, Easyshower, Tunstall, Saga, Docomo, Emporia, Rothelec, Notre Temps, Damart, Vacances Bleues, Nutrisens, Stiplastics

Le sujet du marché des Seniors est d’autant plus important qu’une récente étude de Mc Kinsey, indique que les plus de 60 ans vont générer 60% de la hausse de la consommation dans les pays de l’Europe de l’ouest en milieu urbain d’ici 2030.

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