Stratégies pour accroître l’adoption de la téléassistance

Le taux de pénétration de la téléassistance, c’est-à-dire le pourcentage de personnes équipées en téléassistance en France, est inférieur à celui observé au Royaume-Uni, en Suède ou en Espagne. Par exemple, au Royaume-Uni, plus de 2,3 millions de personnes sont équipées, contre environ 700 000 en France.

Par Frédéric Serrière

De nombreux acteurs travaillent depuis plusieurs années pour augmenter ce taux de pénétration, mais cela n’est pas nécessairement facile, surtout compte tenu du creux démographique causé par la Seconde Guerre mondiale en France (chez les 80 ans et plus), bien que cela ne soit pas directement corrélé au taux de pénétration.

Plusieurs stratégies ont été déployées par les différents acteurs, notamment en travaillant sur le design, en ajoutant des solutions technologiques innovantes ou en développant des services tels que des conciergeries.

L’arrivée du groupe La Poste dans le domaine de la téléassistance avec l’offre « Veillez sur mes parents » pouvait laisser espérer une augmentation du taux de pénétration, compte tenu des moyens financiers du groupe.

Cependant, avec le recul, le taux de pénétration de la téléassistance est resté quasi inchangé au fil des années, la croissance limitée du nombre d’équipements étant principalement due à la légère hausse démographique des personnes de plus de 80 ans.

Dans cet article, je souhaite partager des idées pour essayer d’augmenter ce taux de pénétration en France.

Cependant, avant d’aborder ces idées, il est important de noter que la comparaison des taux de pénétration entre différents pays doit être effectuée avec prudence. En effet, il existe des différences dans la structure démographique, qui influent sur le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans d’un pays à l’autre. De plus, les politiques publiques varient d’un pays à l’autre, comme c’est le cas au Royaume-Uni. Il y a également des différences dans l’acceptation du vieillissement, les seniors du nord de l’Europe semblant l’accepter plus facilement que ceux du sud. En Suède, par exemple, la culture de l’autonomie est prépondérante, ce qui se traduit par une plus grande culture de la prévention et une espérance de vie sans incapacité plus élevée qu’en France.

Il existe des éléments structurels qui ne dépendent pas nécessairement des acteurs de la téléassistance directement et qui expliquent les taux de pénétration plus importants de la téléassistance dans certains pays. Ceci étant posé, je vous propose quelques éléments de réflexion pour permettre d’augmenter le taux de pénétration de la téléassistance en France.

Cibler davantage certaines typologies de Seniors

La première idée consiste à segmenter davantage les seniors, notamment en utilisant des critères explicatifs d’achat ou des critères liés à leur appétence vis-à-vis de la prévention. Dans une étude que nous avons réalisée en décembre et janvier sur la prévention, nous avons proposé une typologie de seniors basée sur leur adhésion à la prévention. Nous avons identifié, par exemple, que 18 % des seniors sont les plus sensibles à prendre des actions de prévention.

Nous les avons appelés les « Initiés ». L’idée est de réaliser des campagnes de communication plus ciblées sur des typologies précises de seniors, notamment sur ceux qui sont les plus susceptibles naturellement de s’équiper en téléassistance de manière préventive. Bien évidemment, une autre partie de la communication peut cibler les personnes qui ont vécu un incident les poussant à s’équiper en téléassistance. En d’autres termes, il s’agit de réaliser des campagnes de communication plus précises et plus impactantes pour des cibles de seniors plus spécifiques afin d’augmenter le taux de pénétration de la téléassistance dans ces typologies. Regardez la présentation dans cette vidéo : https://youtu.be/KFHI_OFV080

Intégrer la téléassistance dans un ensemble plus large et déstigmatisant

Une autre solution consiste à prendre en compte le fait que de nombreux seniors considèrent la téléassistance comme dégradante, ou plus précisément comme pouvant diminuer leur estime de soi, notamment vis-à-vis du regard des autres.

Pour ces personnes, peu importe les améliorations esthétiques ou technologiques apportées à la téléassistance, celle-ci reste perçue de la même manière. En psychologie, nous parlons de référence, c’est-à-dire la première image qui est déclenchée dans l’esprit des individus dès qu’ils entendent parler de téléassistance (dans ce cas).

Ainsi, l’idée que je voulais partager est la suivante : intégrer le service de téléassistance dans un service plus large, non lié à l’âge ou à la fragilité. Par exemple, intégrer la téléassistance dans des systèmes comme « Alexa » ou « Google Home », ou encore dans des systèmes d’analyse de la consommation d’énergie. Dans cette optique, la téléassistance devient un élément optionnel ou une partie d’un ensemble plus vaste, positionné sur un bénéfice non lié à la fragilité, mais sur la facilité, la réduction de la consommation énergétique ou le bien-être, etc.

Changer l’image de la téléassistance

Une autre solution pourrait consister à tenter de changer les mentalités et l’image de la téléassistance. Cela signifie changer la référence qui est déclenchée dans l’esprit des personnes âgées lorsqu’elles entendent le terme « téléassistance ».

Une telle solution demande des investissements très importants, car il s’agirait de réaliser une campagne de communication puissante et régulière afin de donner une image différente à la téléassistance.

Cette solution est probablement l’une des plus difficiles à mettre en œuvre, car elle nécessite des budgets considérables et probablement un financement soit des pouvoirs publics soit d’un regroupement d’acteurs de la téléassistance pour mutualiser les moyens nécessaires à une telle campagne. Il faudrait également que la plupart des grands acteurs de la téléassistance soient d’accord sur cette stratégie, car une telle campagne aurait des résultats bien moindres si certains acteurs continuaient à présenter la téléassistance comme une solution destinée aux personnes âgées fragilisées, seulement.

Passer à la TV

Une autre solution pourrait être qu’un des grands acteurs de la téléassistance fasse régulièrement de la publicité à la télévision. Même si certains acteurs ont déjà adopté cette démarche de manière ponctuelle, je parle ici d’une présence quasi-continue à la télévision, comme le font des marques ciblant les seniors telles que Stannah ou Epitact. Cette stratégie demande un calcul très précis du retour sur investissement de la communication télévisuelle et une mise de départ importante pour enclencher un cycle vertueux de vente.

La téléassistance gratuite

La dernière idée que je voulais vous soumettre est déjà mise en application dans la région de Toulouse. Des Seniors toulousains peuvent bénéficier de la téléassistance gratuitement.

Ainsi, dans cette région, le taux de pénétration de la téléassistance est beaucoup plus élevé que la moyenne, avec un âge d’équipement plus jeune. C’est probablement l’une des pistes les plus intéressantes, car elle combine à la fois un taux de pénétration de la téléassistance plus élevé et une plus grande prévention pour peu que les finances publiques le permettent.

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