Silver économie : qui va payer ?

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Très souvent lors ce que j’assiste à des conférences ou lorsque je participe à des débats sur la Silver économie et le marché des seniors, notamment en France, une question me vient souvent à l’esprit en écoutant les affirmations martelées par des intervenants : qui va payer tout cela ?

À écouter certains « spécialistes », le marché des Seniors serait une source de croissance très importante pour l’économie d’un pays développé et permettrait la création de nombreux emplois non dé-localisables dans les services à la personne, notamment. Là aussi, cette même question me vient à l’esprit : qui va payer tout cela ?

Alors, pour faire sensation dans les conférences et médias et essayer de « booster » la silver économie, on parle de la création de 300.000 emplois. Et là, en passant sous silence la distinction entre emplois et postes. (Dans les 300.000 emplois, sont comptés les renouvellements avec des départs à la retraite).

Lors d’un récent débat sur la mobilité et les seniors, j’ai expliqué que la voiture autonome, ou plutôt les solutions d’autonomie des prochains véhicules, seront une partie de la solution. Un des intervenants a démontré que la voiture autonome avait des inconvénients : il faudrait une personne pour accompagner la personne âgée, depuis son domicile jusque dans la rue, pour prendre son véhicule autonome. Là aussi, cette même question m’est venue à l’esprit : qui va payer tout ça ?

En écoutant ces « spécialistes », je me dis qu’il doit y avoir une autre solution : les seniors français sont tous très aisés et très riches, et sont prêts à payer, avec joie, l’ensemble des innovations qui est créé sur la Silver économie !

Qui n’aimerait pas que ses parents aient tout le confort nécessaire pour finir leur vie tranquillement. Moi aussi je voudrais qu’un jardinier s’occupe de leur potager, qu’une aide ménagère maintienne la propreté de la maison, qu’une infirmière vienne régulièrement contrôler leur état de santé, qu’un cuisinier leur prépare des bons repas, que la maison soit domotisée, qu’un monte-escalier ou un ascenseur soit installé pour leur sécurité, que la salle de bain soit aménagée etc… Mais, encore une fois : qui va payer tout cela ?

Or la réalité est là : selon le dernier état des lieux dressé par le ministère des Affaires sociales, il y avait 15,6 millions de retraités en France à la fin 2013, tous régimes confondus. Le montant moyen de la pension atteint 1.306 euros mensuels et il grimpe à 1.730 euros pour les retraités justifiant d’une carrière complète. Ensuite, nous pouvons imaginer, de manière raisonnable, que le pouvoir d’achat des retraités va baisser en raison des diverses réformes des retraites.

À écouter ces « spécialistes », nous avons l’impression de vivre dans un pays qui n’est pas endetté, et avec des budgets des collectivités locales tous largement dans le vert. Mais faut-il rappeler qu’à la fin du 4e trimestre 2015, la dette française s’établissait à 2 096,9 milliards d’euros, soit 95,7% du PIB tricolore ? Faut-il se souvenir que le nombre de collectivités locales, départements et agglomérations avec des difficultés budgétaires augmente ?

Lors d’une conférence sur le thème de la dépendance en 2015 à Paris, une personne demande aux députés, qui étaient présents, d’augmenter les aides publics pour répondre aux besoins des personnes dépendantes et des personnes fragilisées. Un député, a eu cette réponse quelque peu direct : « nous ne pouvons pas attendre plus des finances publiques sauf à demander une rallonge aux pays du Golfe ». Une réponse pleine de bon sens.

Alors pourquoi dire que la Silver économie va être une grande source de croissance pour l’économie ?

Là aussi il y a une confusion dans les propos de ces « spécialistes » de la Silver économie : beaucoup parlent des produits à destination des personnes âgées (plutôt fragilisées ou dépendantes) et indiquent le nombre de 15 millions de clients Seniors. Or, sur les 15 millions de personnes de 60 ans et plus, seuls 1 à 2 millions, maximum, sont « concernées » par ces produits et services. C’est comme si, pour gonfler le marché potentiel des produits destinés aux adolescents, on décrivait les adolescents par toutes les enfants de plus de 4 ans !

Ma vision est la suivante : la Silver économie, ou plutôt le marché des seniors, sont une source de croissance pour les entreprises, dans le sens où d’ici à 2030, 41 % de la hausse de la consommation en milieu urbain, sera réalisé par les personnes de plus de 60 ans, d’après une étude récente de McKinsey.

Cependant, il ne s’agit pas, uniquement, de la consommation de produits de la Silver économie mais de la consommation globale des 60 ans et plus dans le tourisme, les loisirs, les assurances, les aménagements de confort, le jardinage, la mobilité, etc.

Le marché des Seniors est aussi une source significative de croissance pour les entreprises qui développent des produits spécifiques pour les seniors, ou qui veulent augmenter les marchés potentiels de leurs produits existants, en ciblant davantage les plus de 60 ans.

Lorsque je rencontre les porteurs d’un nouveau produit ou innovation sur la Silver économie, je pose trois principales questions avant d’écouter les détails : qui va payer ? Quel montant va être payé ? Où le produit sera-t-il acheté ?

En 2007, une vague de créations d’entreprises sur le marché des Seniors a vu le jour. Combien en reste-t-il en 2016 ? Moins de 20 %.